Du mouvement la danse

"C'est l'lan qui fait tout", ai-je jadis lanc du haut de mes quatre ans, proclamant une foi qui ne m'a jamais quitte et qui sans doute propulse l'humanit : l'adhsion au mouvement, la vie.
Pourtant la civilisation occidentale a longtemps t fascine par l'immobilit, que la plupart des Anciens assimilaient l'ternit. Mais elle s'est lentement laisse gagner par l'merveillement face un univers o tout est en mouvement, en perptuelle auto-organisation.
De mme, son chelle, l'individu humain s'auto-construit, stimul in utero par le mouvement qui, aprs la naissance, se dveloppe en un langage de gestes et de vocalisations, premiers appels l'autre, premire expression du dsir, premire expression corporelle.
La conscience, ds lors, se dveloppe en se ddoublant. Elle se dploie et s'lve partir d'elle-mme comme une spirale ascendante. Et les partenaires de cette sorte de danse de la conscience sont le mouvement d'autrui, le mouvement des choses, le mouvement du monde.
Lorsqu'il joue de cette musicalit mobile pour elle-mme, pour le seul bonheur de cultiver ses liens l'environnement, l'autre et lui-mme, l'tre humain se fait danseur. Il peut alors, par imagination et par identification, pouser tous les modes d'exister de la matire, travers les rgnes, minral, vgtal, animal. Haute cole d'empathie et exutoire la violence, la danse plonge au plus profond des corps et aux trfonds de la matire. Elle incarne les tragdies et les espoirs de notre temps, de notre Terre tant aime, mal aime, malmene. La joie de danser pousse sur le lourd terreau de l'existence. Sondant la gravit de la vie, elle y puise sa force d'envol, sa jubilation.
Jusqu'au grand ge, le corps danseur, forge intime d'espace-temps, entretient sous la braise le foyer de ses flamboyances, qu'un souffle suffit raviver, projeter en tincelle d'ternit.